L'interview portrait de la semaine:
Alizon DEFRANCE, humoriste
Bonjour Alizon, merci de répondre à nos questions, tu es bordelaise depuis quelques années, originaire de l'Ile de France, on va remonter un peu dans le temps, l'humour chez toi a-t'il commencé très jeune ?
Hello Arnault, merci de me recevoir ! Oui. J’ai toujours fait le clown à la maison. Dans ma chambre, j’apprenais par coeur les personnages d’Elie Semoun et de Franck Dubosc dans “Les Petites Annonces”, et je filmais des parodies d’émissions de télé avec ma toute première webcam ronde.
Tu as fait un master de droit pénal et sciences criminelles, à la suite de ça, tu as souhaité une vie plus passionnée et plus fun, quel a été le déclic et la réflexion chez toi pour que tu te dises, j'arrête et je fais de l'humour ?
Je pense que, comme beaucoup, le confinement a été un vrai déclic professionnel. De retour chez ma mère, enfermée, je terminais mon Master en distanciel mais nous n’avions pas une activité folle. Et j’ai redécouvert l’ennui, le même qui me permettait de créer des choses plus jeune. J’ai filmé des conneries pour faire rire mes copines à distance et j’ai fini par les partager en ligne. Petit à petit, j’ai troqué le raisonnable contre l’humour.
Qu'as-tu appris professionnellement et personnellement lors de tes premiers pas dans le monde du théâtre d'improvisation ici à Bordeaux ?
Professionnellement, je pense que l’impro m’apprend la gestion du stress sur scène. Ce n'est pas toujours évident à intégrer mais rien n’est écrit, et rien n’est grave. Si on prend son temps, on va finir par trouver quelque chose à proposer et faire vivre une impro. Ca m’aide aussi à rester créative, que ce soit en jouant, ou en étant spectatrice d’impro, car les idées qui viennent spontanément aux comédiens sont souvent farfelues, drôles, ou osées !
Personnellement, le théâtre d'improvisation est aussi une partie de ma vie sociale. Des copains avec qui on partage des moments, voir des spectacles ensemble, et que je retrouve sur les scènes stand up pour certains !
As-tu mis du temps à passer le cap pour te spécialiser dans le Stand Up ?
Jamais je ne m’étais imaginée faire de la scène un jour. Je pense que j’étais tellement terrorisée par cet exercice que dans ma tête c’était juste : pas pour moi. Donc ça ne m’a pas torturé des années.
Il y a un peu moins de 2 ans, mes réseaux sociaux se sont développés, c’était déjà fou de faire rire les gens à travers un écran, de recevoir des commentaires… Mais tout est un peu abstrait en ligne, et j’ai très vite flippé “ et si demain Instagram fermait ?”. J’ai voulu me prouver que j’étais capable de faire des choses aussi dans la vraie vie, en direct devant les gens. Même si la réalisation de vidéo est vraiment ce que je préfère, ça m’a rassuré de découvrir sur scène que les gens qui me suivaient existaient pour de vrai !
Comment s'est passée ta toute première scène de Stand-Up ?
C’était un vrai moment de bonheur ! J’ai eu la chance de jouer pour un événement de Stand-up 100% féminin devant plusieurs centaines de personnes. Bon, après la scène, c’était le bonheur, mais le mois d’avant n’a été qu’une gigantesque angoisse…
Une première scène c’est un peu particulier, parce que généralement on annonce “faites un maximum de bruit c’est sa première scène”, et les gens sont nécessairement bienveillants. Donc j’ai eu beaucoup d'applaudissements, malgré mes cafouillages de textes et des blagues non abouties. Finalement, les scènes suivantes ont été plus difficiles que celle ci !
Comment se déroule ton processus d'écriture et d'inspiration de tes sketchs ? Tu as d’ailleurs des périodes dans la journée où tu es plus propice à écrire ?
J’aimerais avoir des périodes de la journée propice à la création et une vraie organisation dans mon écriture… Malheureusement je suis totalement dispersée, et toujours dans l’urgence. Visiblement, c’est comme ça que je suis le plus efficace, mais ça me cause beaucoup d’anxiété donc je cherche encore un rythme d’écriture plus “sain”.
J’ai toujours des idées quand je ne les ai pas sollicité, donc je les écris vite dans une note de téléphone pour y revenir plus tard sur une session d’écriture un peu plus cadrée. Je fais aussi beaucoup d’audio pour expliquer mes pensées sur le coup, et les reformuler plus tard.
Quels sont les sujets que tu aimes aborder ? Les sujets de la vie courante ?
Jusqu’à présent, je ne révolutionne pas le monde du stand up et j’aborde les sujets que je vis ! Principalement, la grande quête du bonheur (rien que ça), la solitude, la reconversion professionnelle… (si si, c’est drôle, enfin je crois…). Sur les réseaux sociaux, j’aime surtout détourner des choses, des concepts : j’incarne des moustiques en réunion, des mois de l’année qui s’engueulent, mes 27 ans en conversation avec ses futures années…
Je suis pas sûr d’avoir des sujets de prédilection, c’est fouilli à l’image de mon organisation !
Est-ce qu’il y a des sujets dans l'humour qui sont plus difficiles à appréhender pour toi ?
Je suis très admirative des humoristes engagés qui arrivent à aborder les sujets les plus brûlants de l’actualité ! Ce n'est pas un exercice dans lequel je me sens à l’aise pour l’instant. Mais c’est essentiel d’aborder des sujets comme le féminisme, le racisme, ou l’écologie par exemple avec humour ! Il n’y a pas meilleur moyen de communication que le rire !
D'ailleurs, quelle est, selon toi, la meilleure définition du Stand Up ?
Bonne question, je découvre encore le milieu… Le stand-up de puriste à l'américaine, c'est vraiment un échange entre un humoriste seul et son public. J’apprends encore à connecter avec le public, mais globalement le stand-up c’est une prestation seule en scène.
Quels genres d'humoristes confirmés t'inspirent le plus ?
J’adore les humoristes engagées comme Swann Périssé, ou Mahaut, ce sont vraiment des femmes inspirantes comme on en a besoin dans un milieu très masculin ! Le spectacle de Laura Felpin est exceptionnel, elle interprète des personnages plus vrais que nature, je me reconnais beaucoup dans ce qu’elle propose. Et les humoristes plus “touchants” auxquels on peut s’identifier aussi comme Panayotis Pascot, ou Kyan Khojandi.
Honnêtement, c’est difficile de dresser une liste ! Globalement j’aime les spectacles qui font un peu réfléchir, plus qu’ils ne font rires aux éclats (certains ont les deux et c’est exceptionnel).
On imagine un peu le trac ou l’appréhension avant de monter sur scène, comment gères-tu émotionnellement ce moment ? As-tu des petits rituels ?
Je me rends malade avant de monter sur scène, c’est vraiment quelque chose que j’ai encore du mal à gérer, que je joue dans un bar ou devant une grande salle… Le stress est commun à tous les artistes, même les plus confirmés, mais c’est vrai que le mien est très paralysant. Pour me rassurer, je suis obligée d’écouter “I will survive” de Gloria Gaynor, avant chaque scène, sinon je suis persuadée que ca va foirer. Et quelques minutes avant de monter, je m'étire, je sautille, et je fais un peu de respiration type cohérence cardiaque.
Souhaites-tu créer des personnages dans tes prochains sketchs ?
OUI ! J'aimerais importer mes personnages sur scène, comme je le fais sur les réseaux sociaux. Mais j’ai encore du mal à être à l’aise pour les mettre en scène, et bien les réaliser. Ce n'est pas toujours évident d’incarner des personnages dans des comedy club où la plupart des humoristes proposent du stand up “pur”.
Afin de mieux te connaître artistiquement, on va passer au jeu des questions express, une question, une réponse :
Le spectacle d’humour que tu as adoré ?
Ça passe de Laura Felpin !
La scène où tu aimerais te produire, à Bordeaux et en France ?
Le Fémina évidemment… et l’Olympia… Désolée pour les clichés !
Avec quel(s) humoriste(s) aimerais-tu collaborer ?
Philippine Delaire, elle est complètement déjantée, je me retrouve beaucoup dans son énergie.
Si tu étais une chanson ?
I will survive, de Gloria Gaynor bien sûr !
Quelles sont les 5 chansons du moment que tu écoutes en boucle dans ton téléphone ?
Des chansons qui me mettent de bonne humeur (pas forcément du moment)
-
American Boy de Estelle
-
Hey Ya de Outkast
-
Magnolia For Ever de Claude François (c’est intime ça…)
-
Plus fort de Julien Granel
-
Flamme de Juliette Armanet
La musique qu’il faut écouter dans ta loge avant de monter sur scène ?
Je vous ai déjà parlé de Gloria Gaynor ? hihi…
L’animal sauvage qui te caractérise le plus ?
Le paresseux
Ton pêché mignon gastronomique ?
Les pâtes au gruyère… plutôt le gruyère aux pâtes. Avec un peu de truffe pour le côté gastronomique !
Le dîner idéal avec 4 personnalités vivantes ou disparues ?
Pierre Niney, François civil, on se fait plaisir… Blanche Gardin, et Audrey Fleurot (c’est beaucoup trop compliqué comme question)
On te voit sur beaucoup de plateaux avec d’autres humoristes, prévois-tu d'écrire ton propre spectacle, seule en scène ?
C’est un objectif que j’aimerais atteindre en effet ! J’ai des pistes dans un coin de la tête, et j’ai commencé à écrire, mais il y a encore beaucoup de choses que je dois continuer à travailler sur les plateaux.
On va parler de ton concours de Stand Up à Mouvaux près de Lille auquel tu as participé à deux reprises, le 1er février et le 8 mars dernier, où tu as été choisie pour être finaliste sur la seconde date. Comment se prépare-t-on à ce genre de concours et peux-tu nous raconter comment as-tu vécu personnellement ces deux soirées ? On imagine que tu as dû passer pour toutes les émotions ?
Je ne sais même pas comment j’ai osé m’inscrire à ce concours ! C’était ma troisième scène mais je pense que j’avais besoin de ce genre d’évènement pour me bouger. Et j’ai trouvé que l’exercice d’un concours, avec des thèmes imposés, était très bien pour débuter et me forcer à écrire des choses que je n’aurais pas nécessairement abordées. Je suis très scolaire et finalement ça m’a rassurée d’avoir “des devoirs” d’écriture.
Évidemment, c’était une grosse source de stress, et j’étais impressionnée par les membres du jury et les participants qui étaient nettement plus expérimentés, mais comme pour ma première scène, l’avantage quand on débute c’est qu’on est plus indulgent avec toi. Et encore une fois, il y a eu beaucoup de bienveillance !
On connaît la difficulté pour les humoristes de faire rire le public, de les emmener dans ton univers, as-tu déjà eu un bide avec le public ? Si oui, comment peut-on s'en sortir?
Bien sûr, et les premiers sont assez terribles, surtout quand on se sent pousser des ailes après les premières scènes de bisounours que j’ai pu faire.
Encore aujourd’hui après presque un an de scène, je ne sais pas comment gérer un bide. Souvent la panique fait qu’on finit vite vite son passage et qu’on déconnecte totalement avec le public. Là où il faut au contraire essayer de recréer une interaction pour que les gens qui ont pu décrocher reviennent dans ton univers, j’imagine que ça vient avec l’expérience.
On lit parfois que l’humour chez les humoristes aide à se mettre à nu émotionnellement sans la peur d’être jugé, de faire passer une expérience personnelle sur le ton de l’humour, est ce que toi ça t’a aidé à vaincre des difficultés ou des anxiétés que tu as pu rencontrer ?
Oui ! Monter sur scène m’aide vraiment à me dépasser, à me prouver que je suis capable de prendre la parole en public et d’être écoutée. Et c’est toujours plus simple de cacher ses peurs sous l’humour ! Raconter des choses qui me sont arrivées sur scène me permet beaucoup de relativiser pour moi même, à force d’en rire, j’essaye de me convaincre que ça ne valait pas la peine de s’angoisser.
Tu es également comédienne, tu réalises de nombreuses vidéos sur les réseaux sociaux, je pense aux vidéos de "Octobre est là", "Canicule", "Les aventures de Calisson", "La météo des cœurs brisés" ou encore "La compilation des profs", on est sur un style d'écriture un peu différente du stand up, comment t’organises-tu dans le processus de création tant au niveau des idées que du tournage pour sortir des vidéos structurées et drôles ?
Comme pour le stand up, tout part d’une note de téléphone. Un truc réel auquel je viens d’être confrontée, que j’essaye de détourner dans une autre situation, et je vois ce qui se passe. Généralement, j’écris mes vidéos et je filme dans la foulée. Quand ça ne vient pas, je préfère laisser l’idée pour plus tard. J’ai parfois publié des concepts de vidéo que j’avais imaginé un an plutôt.
J’écris des scénarios très précis, avec des indications sur mes personnages, comment je les imagine parler, comment ils sont habillés, puis je tourne toutes leurs répliques d’un coup. Mon moment préféré c’est le montage puisqu’il n’y a qu’à ce moment là que je vois enfin les personnages que que j’ai imaginé discuté entre eux. Et je peux vraiment passer des heures sur cette tâche sans voir le temps passer, en oubliant de manger ou d’aller faire pipi…
Alizon Defrance - Octobre est là:
En dehors de l’humour, as-tu d’autres passions dans la vie ?
Je fais de la musique par période. Ça va aussi avec l’écriture, j’aime écrire des choses plus sensibles parfois. La plupart de mes passions sont artistiques, je fais de l’impro et du théâtre. Mais j’ai aussi besoin d’un peu de sport pour décompresser dans la semaine !
Quels sont tes futurs projets artistiques ?
L’écriture d’un spectacle, même si je ne me suis pas imposée de dead line. J’aimerais aussi faire plus de projets collaboratifs, des sketchs avec des copains humoristes, des courts métrages ou web série… Le stand up c’est chouette, mais c’est pas évident d'être toujours seul dans son art.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui aimerait se lancer dans l’humour ?
Si t’en ressens, même une toute petite envie, et même si t’es terrifié.e, bloque une date ! Un événement, n’importe quoi, mets quelqu’un d’autre à parti pour te lancer ! Parce que c’est vraiment difficile tout seul, un jour on s’en sent capable, le lendemain on se dit que c’est n’importe quoi. Rends des comptes à quelqu’un auprès de qui tu t’es engagé, et t’auras plus le choix ! En tout cas c’est ce qui m’a aidé. Et fait ce que t’aimes incarner sur scène evidemment, si t’es à fond dans ton délire, les gens suivront (de toute façon tu plairas jamais à tout le monde)
On ne peut pas finir cette interview sans parler de Felipe ton chat, fidèle compagnon à quatre pattes, qui a même son compte Instagram (@le_prince_Felipe). On le voit à travers tes vidéos, il t’apporte énormément en terme d’amour, d’affection, est ce qu'il est une source d'inspiration pour toi ?
Il est présentement bien allongé dans mon cou ! C’est vrai que c’est un véritable allié pour moi qui travaille seule de chez moi. Il me responsabilise beaucoup aussi… C’est un peu idiot mais le fait de devoir m’occuper de “quelque chose”, de mon enfant félin, m’aide à m’occuper de moi… C’est une source d’inspiration parfois oui, ça nous est arrivé de collaborer sur des vidéos.
Merci Alizon !
Arnault pour Destination-Live.com - Novembre 2023
Retrouvez l'actualité d'Alizon Defrance:
Instagram: Alizon Defrance
Tik Tok: Alizon Defrance